Nous avons donc dû étudier le concept d’auteur et par extension son attribut, celui d’autorité. La lecture des travaux d’Evelyne Broudoux sur l’autorité informationnelle ou cognitive ainsi que l’apparition du phénomène d’autoritativité de l’auteur sur le web [1] a guidé notre réflexion [2] et nous avons réalisé une carte heuristique pour rendre compte de ce que nous en avions compris.
Ainsi, on peut parler de quatre vecteurs d’autorité :
l’autorité énonciative
l’autorité liée au contenu
l’autorité liée au support
l’autorité liée aux groupes et aux réseaux.
Pour qu’un document technique fasse autorité dans le secteur du bâtiment, en tant que document technique, il doit répondre à ces quatre vecteurs d’autorité.
Dès lors nous avons défini notre objectif pédagogique principal : faire comprendre à l’élève à quelle condition un document technique peut être considéré comme fiable et pertinent, ce qui revient d’une part à enseigner le concept d’autorité d’un document, mais plus largement à faire construire aux élèves une représentation juste des différents producteurs d’information dans leur domaine.
La question que nous nous posions au départ était celle d’une progression. Que faire avec les élèves de CAP qui ont de nombreuses difficultés, avec ceux de baccalauréat professionnel et avec les post bac ?
Notre objet est donc de déterminer une tâche action et des tâches intermédiaires pour chaque niveau d’apprenant. Les tâches intermédiaires étant celles qui permettent de gérer la démarche. Outre celles qui correspondent aux moments d’apprentissage et qui sont listées ci-dessous, nous prévoyons aussi de demander systématiquement aux élèves, lors de leurs recherches d’information professionnelle, d’analyser leurs requêtes et les pages de résultats ainsi que de justifier leurs choix par écrit. Ce dossier de traces servira de support à la discussion et d’échanges entre les élèves et le professeur documentaliste, et ce sera pour nous un support de réflexion pour concevoir une remédiation, un approfondissement.
La tâche action, en fait l’activité à proposer, doit permettre à l’élève "à partir d’une mise en action (par l’observation, la manipulation, la confrontation, l’expérimentation) [...] de passer à l’abstraction (par la conceptualisation, la verbalisation) et de construire des catégories consécutives d’un savoir scolaire" [3].
Nous prévoyons d’expérimenter et d’ajuster cette approche au cours de l’année scolaire 2010-2011.
Niveau CAP
Objectif élève visé
Connaître des sources d’information professionnelle de référence par leur nom et leur identité graphique.
Tâche action : Organiser les sites dans des catégories pré-définies, puis les relier les uns par rapport aux autres. Pour ce niveau d’apprentissage, les typologies sont proposées aux élèves.
Réaliser une carte des logos avec un logiciel de Mind Mapping type VUE ou Inspiration
tâche intermédiaire 1 : justifier le choix de la catégorie ("où met-on ce site et pourquoi ?")
tâche intermédiaire 2 : identifier l’intrus parmi une liste de sources professionnelles données, dire pourquoi.
tâche intermédiaire 3 : créer des liaisons entre les éléments, les justifier.
tâche intermédiaire 4 : reconnaître des logos instantanément
Niveau baccalauréat professionnel
Objectif élève visé
Analyser les sources disponibles sur le web dans son domaine professionnel
Tâche action : A partir d’une requête banale, réaliser une typologie des producteurs d’information sous forme d’une carte en utilisant par exemple un site de signets en ligne tel que Pearltrees qui propose une représentation graphique de l’information [4].
Ces élèves devront déterminer les catégories de classification des sources professionnelles pour retenir des catégories significatives.
tâche intermédiaire 1 : reconnaître et nommer les producteurs d’information présents sur une page de résultats
tâche intermédiaire 2 : organiser des lots et les justifier
Niveau BTS
Objectif visé
Réaliser une veille d’information professionnelle à l’attention de ses pairs
Tâche action : Réaliser un document technique secondaire par rapport à un besoin d’information pour une solution technique en utilisant des documents techniques validés
tâche intermédiaire 1 : collecter et sélectionner les sources, justifier la pertinence des choix.
tâche intermédiaire 2 : catégoriser les sources et les mettre en lien les unes par rapport aux autres.
tâche intermédiaire 3 : mettre à jour les sources : justifier leur maintien ou leur suppression.
Pour que la notion soit réellement acquise il faudra aborder plusieurs fois dans un même cursus et dans des cadres différents cette question de l’autorité des documents techniques. Il est clair aussi qu’il faudra varier les tâches intermédiaires et si possible les collaborations.
Dans la perspective d’une progression, une fois ces travaux réalisés, des temps décrochés seraient donc nécessaires pour faire appréhender aux élèves dans quelles conditions, avec quels moyens et quelles intentions l’information est produite. Il est important qu’ils différencient les sources institutionnelles qui fonctionnent avec des fonds publics ou assimilés : sources patronales, syndicales, ministérielles, chambre des métiers, etc. ou entreprises de certification. Mais il faut aussi qu’ils sachent distinguer une entreprise de presse, d’un marchand de matériau, d’un bureau d’études privé ou repérer les groupes d’influence qui animent leur milieu professionnel. Il s’agit là plus généralement de construire la culture professionnelle de l’élève. On pourrait envisager des cours plus classiques pour récapituler les cas rencontrés lors des tâches particulières.
En tant que professeur documentaliste nous devons également continuer
notre travail d’échanges et de collaboration avec des acteurs de la documentation technique pour pouvoir les connaître et les enseigner aux apprenants selon leurs besoins.
Les stages effectués par certains d’entre nous cette année au sein d’entreprises ou d’organismes de référence dans le domaine du bâtiment et de l’industrie, ont déjà permis d’approfondir nos connaissances sur le positionnement des uns par rapport aux autres, leur financement, leur statut juridique, etc.
Enfin, la perspective de l’élargissement du groupe à d’autres familles de métiers que celle du bâtiment permettra de confronter les pistes pédagogiques et didactiques sur le concept intégrateur du document technique. Par exemple, l’autorité du document technique se définit-elle de la même façon dans le domaine des services à la personne, dans le domaine de la chimie, et dans le domaine agricole ? Doit-on l’enseigner de la même façon ? Les professeurs documentalistes qui ont rejoint le groupe cette année mutualiseront leurs observations et leur analyse.
On le voit, le chantier reste immense !
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